Après l’échec de la première partie de la 6ème conférence des parties à La Haye en novembre 2000, et malgré le retrait des États-Unis du Protocole de Kyoto, les parties sont parvenues à dégager un accord politique en juillet 2001 lors de la deuxième partie de la conférence à Bonn. " L’Accord de Bonn ", qui figure dans la décision 5/CP.6, devrait notamment permettre :
le bouclage à COP7 du programme d’action de Buenos Aires, par la traduction en textes juridiques de l’Accord politique, notamment concernant les règles de fonctionnement des mécanismes de flexibilité, du système d’observance et de l’utilisation des puits dans le Protocole, ainsi que les questions de relations avec les pays en développement,
l’engagement du processus de ratification, en s’assurant de pouvoir réunir les 55% d’émissions des pays industrialisés nécessaires pour permettre l’entrée en vigueur du Protocole de Kyoto, avec l’objectif du sommet mondial sur le développement durable à Johannesburg en 2002 (RIO + 10),
sans pour autant empêcher le retour éventuel des États-Unis à une date ultérieure,
et surtout, en préservant le caractère légitime du Protocole malgré la contestation de certaines parties.
L’Accord comprend deux grands blocs de compromis négociés en parallèle, sur le traitement des questions relatives aux pays en développement (compromis centré sur le financement) et sur l’intégrité environnementale du Protocole (compromis centré sur l’observance). Les travaux se sont poursuivis après le départ des ministres et des progrès importants ont été réalisés avant la fin de la conférence : plusieurs textes détaillés (notamment ceux concernant les pays en développement) ont été menés à bien, d’autres ont été nettoyés afin d’intégrer les éléments de l’Accord. Pourtant, plusieurs textes importants (mécanismes, observance et certains points concernant les puits) restent à achever, et certaines parties n’ont pas hésité à tenter de remettre en cause des éléments de l’Accord, notamment concernant la rigueur du système d’observance. Des zones d’ombre et des problèmes d’interprétation existent qui doivent être traités afin de mener à terme les négociations.
L’Accord prévoit un système d'observance crédible pour l'application du Protocole de Kyoto avec deux volets :
un volet " facilitateur ", notamment pour le respect des engagements quantifiés (art.3.1) pris par les Parties à l'Annexe I – avant et pendant la période d'engagement – et le respect – avant la période d'engagement – de leurs obligations d'informations (art. 5.1, 5.2, 7.1 et 7.4),
un volet " coercitif " à l'encontre de ces Parties, d’abord en cas de non-respect – pendant les périodes d'engagement – de ces obligations d'information ainsi que des critères d'éligibilité aux mécanismes de flexibilité (art.6, 12 et 17), puis – après la période d'engagement de référence – en cas de non respect de leurs engagements quantifiés.
Au titre du caractère contraignant des engagements quantifiés, l’Accord prévoit l'obligation de la restauration des tonnes émises en excédent à un taux de 1,3, la mise en place d'un plan d'observance susceptible de corriger structurellement la situation et respectant les engagements de la période en cours ainsi que la suspension de l'usage du " trading ", toutes ces sanctions étant du ressort de la " branche coercitive " du système d'observance. Une procédure d'appel est prévue, pour traiter des vices de procédure.
Les Parties non Annexe I sont bien traitées dans cette Décision puisque explicitement le principe des responsabilités communes et différenciées, les protégeant, doit sous-tendre le système et qu'elles ont une majorité de sièges leur revenant dans les deux branches.
L’Accord prévoit que le système d’observance soit adopté par une décision de COP7 et par la première réunion de la COP/MOP, celle-ci en conformité avec l’article 18 du Protocole (qui prévoit l’adoption par voie d’amendement pour des conséquences légalement contraignantes).
L’Union européenne a accepté que ne figure dans l’Accord aucune restriction quantitative sur l’usage des mécanismes de flexibilité. Ainsi le concept de supplémentarité n’est plus explicité par une formule rigide : il est rappelé que les mécanismes apportent un complément aux mesures " internes " qui elles constituent un élément important, tout cela faisant l’objet d’informations dans le cadre des communications nationales soumises à examen par la revue d’experts et l’organe d’observance (branche facilitatrice). Pourtant l’Accord instaure une " réserve de la période d’engagement ", fixée à un taux de 90%, afin de limiter le risque de survente, sous le contrôle de l’organe d’observance (branche coercitive) comme pour l’ensemble des règles d’éligibilité aux mécanismes. Ainsi est-ce l’observance qui joue le rôle essentiel dans l’encadrement des mécanismes.
L’Accord définit des règles spécifiques aux mécanismes de projet , outre qu’il demande aux Parties de s’abstenir de l’utilisation des crédits générés par les projets nucléaires :
pour le mécanisme pour le développement propre : des modalités simplifiées pour les petits projets, et une restriction des projets puits aux projets d’afforestation et de reforestation, la mise en place du comité exécutif à COP7 afin de permettre un démarrage rapide des projets, le prélèvement sur le MDP pour l’adaptation de 2% des crédits générés ;
pour le mécanisme de mise en œuvre conjointe : un comité article 6 servira un rôle comparable au comité exécutif du MDP, mais l’Accord ne traite pas la distinction entre les " deux voies " (normale et accélérée pour les pays hôtes remplissant des conditions de sécurité accrues) qui constitue une des questions clef à régler.
L’Accord fixe les modalités de base pour la prise en compte des puits de séquestration de carbone dans les pays de l’Annexe I durant la première période d’engagement, sous réserve qu’il s’agisse du résultat d’activités humaines entreprises depuis 1990. En particulier, après avoir admis la comptabilisation des effets de la gestion des terres cultivées et des pâturages et de la régénération du couvert végétal, l’Accord plafonne le recours à la gestion forestière sous l’article 3.4 du Protocole :
les crédits qui en proviennent peuvent être utilisés jusqu’à concurrence des débits éventuels de l’article 3.3 (déboisement moins boisement et reboisement), dans la limite de 8,2 MtC par an ;
de surcroît, les Parties peuvent comptabiliser jusqu’à certaines quantités qui leur sont nominativement attribuées dans un tableau spécifique, établi selon des règles de plafond et de discount explicites, mais tenant compte également de circonstances nationales… Cette limite est ainsi fixée notamment à 18 MtC pour la Fédération de Russie, 13 MtC pour le Japon, 12 MtC pour le Canada. Ce dispositif n’est valable que pour la première période d’engagement.
L’Accord limite l’éligibilité de projets de séquestration dans le MDP aux seuls projets d’afforestation et de reforestation, et prévoit le développement de définitions et de modalités à COP9. L’Accord fixe aussi un seuil maximum pour l’usage des crédits générés par des projets puits durant la première période d’engagement qui pour la Partie annexe I concernée ne doit pas dépasser 1% des émissions de l’année de référence multipliées par cinq.
Un compromis qui tient d’abord sur sa capacité à faire progresser les questions de financement.
Les principaux points concernant l’assistance aux pays en développement dans l’Accord sont :
- la mise en place de trois nouveaux fonds, gérés par le FEM – le fonds spécial pour le climat (actions d’adaptation, des transferts de technologies, d’atténuation dans plusieurs secteurs, et de diversification économique), le fonds pour les pays les moins avancés (associé à un programme de travail), et le fonds pour l’adaptation du Protocole de Kyoto (alimenté par le prélèvement sur le MDP).
- La proposition de M. Pronk d’instituer un objectif financier chiffré (le milliard de dollars) pour les pays développés n’a pas été retenue, ce qu’en tout état de cause l’absence des USA à l’Accord rendait quasi impossible. En revanche l’Union européenne, avec le Canada, l’Islande, la Norvège, la Nouvelle Zélande, et la Suisse, ont produit une déclaration politique par laquelle ils s’engagent à augmenter dune manière importante leur financement pour le climat en fixant un objectif collectif de 450 millions d’euros (410 million de dollars) par an d’ici 2005. Seront comptabilisés dans cet objectif :
- les contributions par le FEM des activités liées au climat,
- le financement bilatéral et multilatéral au-delà du niveau actuel,
- le financement par le fonds spécial pour le climat, le fonds d’adaptation du Protocole, et le fonds pour les PMA,
- le financement généré par le prélèvement sur le MDP.
- la mise en place d’un groupe d’experts nommé par les Parties pour le transfert de technologies,
- l’adoption de principes concernant l’impact des mesures de réponse, en particulier des règles acceptables aux pays développés concernant la communication d’information, et la priorité à donner à certaines actions, y compris le développement technologique, la recherche, et l’assistance avec la diversification économique.
Les négociations de la deuxième semaine ont permis la résolution des points non-traités par l’Accord et le bouclage de tous les textes juridiques concernant les pays en développement. Seront donc transmis à Marrakech pour l’adoption une fois l’ensemble des négociations terminées, les décisions déjà rédigées concernant :
a) les décisions à caractère financier
- les instructions au mécanisme financier de la Convention (le FEM),
- le financement sous la Convention (les deux fonds, spécial et PMA),
- le financement sous le Protocole (le fonds d’adaptation).
b) les autres résultats de la négociation
- dans le domaine de l’adaptation et des conséquences des politiques de limitation des émissions (mise en œuvre des articles 4.8 et 4.9 de la Convention et de l’article 3.14 du Protocole)
- le transfert des technologies (article 4.5 de la Convention),
- le renforcement des capacités des pays en développement.
en outre, le renforcement des capacités visant spécifiquement les pays à économie en transition.
La septième conférence des Parties se tiendra à Marrakech du 29 octobre au 9 novembre 2001. Il incombe à la COP7 d’achever le travail de Bonn, en assurant l’adoption de textes juridiques conformes avec l’Accord de Bonn sur l’observance, les mécanismes, les puits, les questions méthodologiques, les politiques et mesures, et les pays en développement.
En revanche, la COP7 constituera aussi le point de départ des prochaines étapes de travail, notamment le processus de ratification qui mènera à l’entrée en vigueur du Protocole de Kyoto. A cet égard la France et l’Union européenne ont fixé l’objectif de ratifier le Protocole pour le Sommet mondial sur le développement durable (Rio+10) à Johannesburg en septembre 2002.
Les défis majeurs seront :
l’adoption de la décision sur l’observance, compte tenu de la position de certains pays du groupe de l’Umbrella, en particulier concernant les modalités d’adoption du système d’observance,
la mise au point des règles sur les mécanismes, dont des éléments importants n’ont pas été réglés, en particulier concernant la mise en œuvre conjointe (le fonctionnement de la " deuxième voie ", ainsi que la demande d’un démarrage rapide), et le démarrage immédiat du mécanisme de développement propre,
le bouclage définitif de la décision sur les puits, toujours contesté par la Russie, et les règles qui les régiront dans le MDP,
la mise au point des règles concernant la communication d’informations, les revues et le comptabilité des transactions – un sujet d’apparence technique mais d’une grande importance pour l’intégrité environnementale du Protocole,
les premiers actes de mise en œuvre de certaines décisions avec les nominations des membres du comité exécutif du MDP, ainsi que les groupes d’experts sur le transfert des technologies et sur les pays les moins avancés.
La règle d’or pour réussir Marrakech sur tous ces points consiste d’abord à respecter strictement l’Accord Politique de Bonn. Elle impose une obligation de discipline par rapport au compromis écrit de Bonn, valable aussi pour l’Union européenne qui ne peut pas se permettre de rouvrir les questions qui ont été arbitrées par les ministres dans un sens non conforme aux positions précédentes de l’Union.
L’Union européenne doit gérer les négociations en tenant compte des positions des autres parties clef pour la réussite de la négociations, notamment la Russie, le Canada et le Japon du groupe de l’Umbrella, ainsi que les pays en développement regroupé au sein du G77, dont la convergence de position avec l’Union Européenne a été la clé permettant d’imposer l’Accord de Bonn.